Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
De la lecture avant toute chose
Newsletter
Derniers commentaires
28 février 2011

Le guépard

Le guépard / Guiseppe Tomasi Di Lampedusa / Seuil, 1963, traduction Fanette Pézard

Il gattopardo, Feltrinelli, 1958

 

Le Guépard (le film)

Il_guattopardo

L'écrit précédant l'adaptation cinématographique, il eût été naturel de commencer par celui-ci avant de voir celle là. Comme d'autres, sans doute, j'ai fait l'inverse.

Ici la question n'est plus de savoir si la somptueuse adaptatation de Visconti (Palme d'or 1963) est à la hauteur du texte, mais plutôt ce qui a été laissé de côté.

Au cours d'une soirée entre amis, discutant les mérites d'Alain Delon, apprenant que les dialogues du film étaient exactement ceux du livre, je me demandais comment étaient évoqués le contexte historique et la campagne sicilienne.

L'auteur cite le petit village de Corleone, dans les environs. Justement, Marlon Brandon avait été pressenti en premier pour incarner le prince: immense acteur, extraordinaire ensuite dans "Le Parrain", mais il s'agit d'un autre monde, et à mon avis la distribution est très bien comme ça ...

Burt Lancaster est parfait en aristocrate. Quant à Claudia Cardinale, il est aussi difficile d'en imaginer une autre pour le rôle d'Angelica qu'à propos de Vivien Leigh pour le rôle de Scarlett O'Hara.

Dire qu'elle y est émouvante est un euphémisme, cela correspond à la sensualité installée dans le palais dès son apparition, dans la scène du repas. C'est sans doute pourquoi les mets paraissent si savoureux.

La scène du bal est magnifique aussi.

"Le Guépard" est un monument du cinéma.

 

guepard_couv

Le Guépard (le roman)

Résumé

Nous sommes en Sicile, en 1860. Garibaldi débarque à Marsala, la bourgeoisie en profite pour évincer l'aristocratie fidèle aux Bourbons. C'est sur cette scène que se tissent les rapports du prince Salina, astronome renommé, et de son neveu Tancrède, dont les noces avec Angélique, fille d'un parvenu, sanctionnent l'avènement des temps nouveaux.

L'atmosphère pessimiste dans laquelle baigne ce grand roman historique dénonce, avec une authentique force lyrique, l'immobilisme d'une société consciente de son déclin.

Commentaire

Les dialogues sont les mêmes, mais la notion du temps qui s'écoule n'est pas le sujet du film, et encore moins l'ambivalence, l'humour amer du prince qui voit disparaître son univers sans rien faire pour s'y opposer, parce que pour un sicilien, agir est un péché.

Et parce que les enjeux sont tels qu'il n'y a rien à faire.

Roman unique, écrit en quelques mois juste avant de mourir, un testament et plus encore. Une vie pour un roman ! Au delà de la scène, il y a une profondeur, un message, qui justifie sans doute une relecture attentive.

Mal accueilli au départ, il devient le plus grand succès en librairie de l'après guerre en Italie, jusqu'à l'arrivée du "Nom de la Rose". Fortement biographique (le prince est le grand père de l'auteur), plus intéressant et nuancé que le film, le texte ne se livre pas facilement. Malgré les apparences, le sujet n'est pas un amour romantique ni un reflet nostalgique de la "Belle époque" .

Extraits

La célèbre citation, en forme de paradoxe, dans la bouche de Tancrède

" Si nous n'y sommes pas, nous aussi, ils fabriqueront une république. Si nous voulons que tout continue, il faut que d'abord tout change."

Tancrède encore, s'adressant à des officiers anglais qui lui ont demandé ce que venaient faire en sicile les volontaires italiens :

" They are coming to teach us good manners, but they wont succeed, because we are gods. "

C'était Tancrède cité par Le Prince, qui ajoute : "Je crois qu'ils ne comprirent pas, mais ils rirent et s'en allèrent ... C'est également la réponse que je voudrais vous faire, mon cher Chevalley. Les Siciliens ne voudront jamais s'améliorer, pour la simple raison qu'ils se croient parfaits : leur vanité est plus forte que la misère... "

Le courant ne passe pas entre eux. Fabrice vient de refuser le siège au Sénat que venait lui offrir Chevalley.

Chevalley pensait :

" Cet état de choses ne durera pas; notre administration nouvelle, active, moderne, changera tout cela. "

Le prince se sentait découragé :

" Tout cela ne devrait pas durer: pourtant, cela durera toujours; le toujours humain, bien entendu, un siècle, deux siècles; après quoi, ce sera différent, mais pire. Nous fûmes les Guépards, les Lions : ceux qui nous succèderont  seront les Chacals, les Hyènes. Et tous tant que nous sommes, Guépards, Chacals, Brebis, nous continuerons à nous considérer comme le sel de la terre. "

Pour aller plus loin :

Pour mémoire, voir ICI pour les réactions des lycéens, qui se demandent pourquoi ce livre est au programme du BAC.

Ce chef d'oeuvre a suscité beaucoup de réactions; en allant ICI voir l'analyse brillante d'Alice Granger, et derrière la décadence annoncée, c'est une toute autre hypothèse qui se profile: allez-y, ça vaut la peine !

Une partie de sa conclusion:

"Un roman qui est infiniment plus qu’une histoire liée à l’unification de l’Italie. A lire comme l’histoire plus planétaire de l’unification des désirs humains..."

Certes, ce roman est incroyablement actuel, moderne, il vaut la peine. Mais comment faire l'effort nécessaire à l'âge du lycée ? La biographie de Bill Gates est plus attrayante, pourtant elle parle de la même chose...

Post Scriptum :

"Libération" consacre dans son numéro du Week End du 19-20 mars 6 pages au Guépard, à cause de la date:

c'est tout simplement 150 ème anniversaire de l'unité Italienne,

plus précisément celui de la révolution Italienne, menée par Garibaldi avec l'aide des Français. Le prix était plutôt élevé: cession à la France du Comté de Nice et de la Savoie, autrefois province essentielle du Royaume, rappelez vous la devise: "Avanti Savoia !"

Le 17 mars est le jour de la montée sur le trône du roi Victor Emmanuel, le 17 mars 1861. La monarchie ne fut abolie qu'en 1946.

Toutes ces considérations passaient bien au dessus de la tête de l'adolescent qui assistait, l'été 1960, aux célébrations du centenaire du rattachement de Nice et de la Savoie, ambiance de fête, décorations, petits drapeaux... visage aimable de la guerre vue de très loin.

Publicité
Commentaires
De la lecture avant toute chose
Publicité
Publicité