Antigone / Jean Anouilh / Pièce en un acte Créée le 4 février 1944 au théâtre de l'Atelier.

Antigone Voilà. On est tout de suite au coeur du sujet.

Jouer cette pièce à Paris sous l'occupation (Leclerc arrive à Paris six mois plus tard) c'est plutôt gonflé. Une pièce solaire, violente, où la mort se regarde en face. Un peu comme dans "Mort dans l'après-midi" de Hemingway.

L'argument est on ne peut plus limpide. Antigone est la fille de Jocaste et d'Oedipe. Après le suicide de Jocaste et l'exil d'Oedipe, les deux frères d'Antigone, Etéocle et Polynice s'entretuent pour le trône.

Créon, frère de Jocaste et nouveau roi, permet d'enterrer Etéocle mais pas Polynice, qu'il qualifie de voyou et de traître. De plus quiconque tentera d'enterrer le corps sera puni de mort. Le corps de Polynice est abandonné aux charognards.

Dans cete situation, Antigone est la seule qui dit non.

Fille de roi ou pas, elle encourt la mort. Créon voudrait trouver une échappatoire, certes il est celui qui assume, "celui qui fait le sale boulot parce que quelqu'un doit le faire", mais tout de même Antigone est sa nièce.

Alors, dit-il, rentre chez toi, les gardes se tairont, tais-toi et tout ira bien...

C'est la même tentation que dans "La guerre de Troie n'aura pas lieu", de son maître Giraudoux: si on peut circonvenir les gabiers, qui se sont bien régalés pendant toute la traversée à suivre les ébats d'Hélène et de Pâris, on pourra s'en sortir. Oui, mais non, disent les gabiers, on a tout vu.

Pas question dit Antigone. Tu ne me priveras pas de mon rôle, et tout finit dans le sang, y compris le fiancé d'Antigone, son cousin Hémon: eh oui, dans cette famille, l'inceste est partout. Voir l'article de Wikipedia ICI.

Pas étonnant que j'ai été comme fasciné par cette pièce, tellement psychanalytique, en plus elle avait été montée par la prof de Français de notre fils aîné en 1 ère, elle était un peu originale et passionnée, et ce fut une soirée extraordinaire.

Commentaire

Antigone est l'allégorie de la Résistance aux lois edictées par le dictateur Créon/Pétain. Antigone, seule à dire non, sauve l'honneur de Thèbes. Bien sûr ce n'est pas facile de dire non, mais elle refuse la facilité.

PS : On pourrait dire que c'est une héroïne "Lacanienne" en effet, dans cette pièce, tout le monde obéit, file doux et se tait, Antigone est la seule qui dit NON !

Anouilh explique qu'il s'est inspiré du geste de Paul Collette qui, le 27 août 1941, avait tiré sur Pierre Laval, chef du gouvernement de l'époque, lors d'une prise d'armes. Ce geste, malgré son échec relatif dû au manque de précision, a eu un énorme retentissement, il a donc atteint son but.

Anouilh relie sa réécriture de la pièce de Sophocle aux "Petites affiches rouges" et à l'éxécution du commando Manouchian le 21 février 44, pourtant postérieure à la première de la pièce. ICI

Jean Anouilh

Ecrivain et dramaturge Français, né le 23 juin 1910 à Bordeaux, et mort le 3 octobre 1987 à Lausanne. Il laisse un grand nombre de comédies souvent amères et de tragédies.

Antigone est sa pièce la plus célèbre, mais il faut absolument signaler :"Becket ou l'amour de Dieu" une pièce qui commence bien avec l'amitié du roi Henri II et de son conseiller, mais qui finit mal, quand celui qu'il a placé à la tête de l'église se révèle désespérément honnête, et lui dit non (lui aussi). D'inspiration Shakespirienne, elle ne laisse pas son lecteur indemme. Créée au Théâtre Montparnasse le 8 octobre 1959, elle a obtenu maintes distinctions dont trois médailles aux "Tony Awards" à New York en 1961. ICI

Antigone

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