La chamane aux yeux bleus
La chamane aux yeux bleus / Hélène Legrais / Cap Béar Editions, 2011
Hélène Legrais
Née en1961 à Perpignan d'un père breton et d'une mère catalane, elle mène de front, dès sa sortie de l'école supérieure de journalisme (major en 84) ses activités d'écrivain (roman, nouvelles) et de journaliste à la radio (France Inter, Europe 1, puis enfin France Bleue Roussillon).
La chamane aux yeux bleus
La suite de La damoiselle d'Aguilar.
Agnès et son groupe ont embarqué à Barcelone sur la Sant Jordi, construite à Collioure. Une fois dépassées les colonnes d'Hercule commencent l'inconnu et les grands espaces.
Une tempête brève mais violente détruit la nef et drosse débris et gens sur un banc de sable, dans ce qu'on appellerait aujourd'hui le golfe de Guinée. là, quelques marins, voyant l'ample chevelure d'Agnès, l'accusent d'être la cause du naufrage, puisque, sur un bateau, une femme porte malheur. C'est une mutinerie, une partie de l'équipage s'en va.
Le petit groupe va traverser, avec beaucoup d'efforts et de nouvelles pertes une mangrove, puis être recueilli dans un village : c'est l'occasion d'une rencontre avec un chaman qui remet à Agnès un petit bracelet d'amulettes. Sur le chemin de la route des caravanes, ils sont capturés et offerts à un potentat local comme esclaves.
Il y a de belles pages pour narrer la progression de la caravane dans le désert. Agnès, captive de luxe, a une certaine liberté, et va parler avec le guide, qui connaît le pouvoir des amulettes ... L'évasion est proche, et réussit grâce à une tempête de sable qui efface toutes les traces.
Après moult péripéties, Aden, l'Inde, Sumatra, la Chine qu'il faut quitter précipitamment, Agnès tombe dans les bras d'un Franco-Mongol, vivra quelques années à Karakorum, l'ancienne capitale délaissée et finira par transmettre elle même ses connaissances, après avoir confronté maintes fois sa compréhension à celles d'autres praticiens, Africains, Indiens et Chinois.
Ce que je regrette :
le manque de professionnalisme de l'éditeur, les fautes d'orthographe, les caractères qui changent de taille dans le texte.
Ce que j'apprécie
me laisser emporter par l'aventure, les détours de cette "garce" qui se cherche comme lui a dit Arnaud il y a bien longtemps, la confrontation des civilisations et l'appel à la tolérance, surtout que, comme le rappelle l'auteure, les hommes blancs n'ont pas eu beaucoup beaucoup de scrupules du temps des croisades ... Qu'ils soient Chrétiens ou Musulmans, Hélène Legrais ne pardonne pas grand chose aux religieux.
Ce deuxième volume des aventures d'Agnès est bien meilleur à mon sens, la documentation fournie, les rapprochements nombreux entre les langues appellent réflexion, ce livre va bien plus loin que ne le ferait supposer sa couverture un peu banale.
Dommage, l'héroïne ne reviendra pas. La fière étoile fait penser cette fois à Alexandra David Néel, surtout pour le parcours asiatique et chinois. Hélène Legrais nous fait réviser nos positions sur bien des points, nous montre le Moyen Age comme plein de promesses, et nous rend très sceptiques sur un éventuel classement des civilisations ... Il est amusant aussi d'envisager l'arabe comme une langue très répandue parce que, à l'époque, la langue de la connaissance ...
Post Scriptum : Plus élaboré, plus complet que le premier, ce volume est pourtant la déconstruction du mythe que le premier volume a lancé. Comme le lui dit de façon directe Barberi, à partir du moment où Agnès suivait Saint Estève, le groupe ne pouvait que se dissocier. Tant qu'elle n'appartenait à personne, chacun se serait fait tuer pour elle sur un regard, mais si elle devient une femme comme les autres, c'est fini ...
C'est bien le problème d'Agnès, elle a du mal à se résoudre à être comme les autres, même si ses compagnons disparaissent ou suivent leur voie les uns après les autres.
Dommage de voir disparaître si vite une héroïne, l'auteure avait certainement envie d'explorer d'autres chemins.
Commentaire dans le cadre du Challenge "Vivent les Régions"