l'ancre des rêves
l'ancre des rêves / Gaëlle Nohant / Robert Laffont, 2007
Gaëlle Nohant
Née en 1973, lauréate (avec Jennifer D; Richard pour "Bleu poussière") de l'édition 2007 de la Résidence du premier roman consacré à la littérature fantastique.
l'ancre des rêves
Dans un petit village de la côte bretonne, chaque nuit les enfants Guérindel, Benoît, Lunaire, Guinoux et le petit Samson, sont en proie à des cauchemars terrifiants qu'ils taisent à leurs parents ...
Enogat, leur mère, a toujours interdit à ses enfants d'approcher le bord de l'eau. Est-ce seulement pour les protéger des dangers de la nature ? Ou d'une autre menace qui ne dit pas son nom ?
Ce que j'en pense
A ma grande honte, c'est pour moi une découverte tardive, sur le présentoir de la Médiathèque, d'un premier opus étonnant.
La couverture est un aimant puissant, et elle en dit beaucoup sur les échanges entres la surface et les profondeurs: est-on attiré vers le bas, l'obscurité, ou bien reçoit-on des messages des profondeurs ?
Magnifique évocation de la Bretagne, la mer "indifférente", qui ne restitue pas toujours les marins, la côte rocheuse, et surtout l'âpreté de la lutte pour la vie. Pas d'autre choix que s'embarquer pour des mois, dans des conditions extrêmes, où tout peut arriver, pas seulement du fait des éléments.
La vie des terre-neuvas apparaît particulièrement dure, au point qu'un capitaine pouvait se sentir insulté d'avoir été pris pour un simple marin...
Un roman qui vous prend à la gorge, tant c'est glauque, en bas, il faut s'accrocher, le début est rude, mais bien vite on ne peut plus s'en détacher, on est pris. Il est pénible de voir ces quatre garçons se débattre dans l'angoisse et dans des intrigues qui les dépassent complètement.
Sans déflorer l'intrigue, impossible de rester insensible au courage et au rôle de la parole dans la ésolution des énigmes. Il en faut, du courage, pour dévoiler les secrets de famille, les non-dits. Comme toujours le silence ne profite qu'aux agresseurs, pas aux victimes...
4ème de couverture :
- Dis donc, gamin,on t'a pas appris qu' c'était pas poli de zieuter comme ça ? J'aime pas les malins. Fais bien attention à toi.
Les morts marchent, ce soir.
Fais bien attention à toi.
Un long frisson le frigorifia comme une bourrasque giflant un corps trempé.
Les morts marchent, ce soir.
Une comptine dont il avait perdu le souvenir lui traversa la tête.
<< Faut boire à la santé des gars
Qui sont coulés, au fond, en tas.>>
Citation d'un moment clé
Lunaire est sur la bateau fantôme, à la merci de l'horrible Cardec, mais il résiste. La vieille Ardélia cherche aussi à l'influencer.
"C'est Elle... J'en étais sûr..., dit la voix du loup déguisé en grand-mère, cette vieille garce... résistante, la punaise...
Lunaire lutte de toute son énergie mais Ardélia prend toute la place.
Elle se sert de toi, pas vrai ? Elle se sert de toi pour m'atteindre. La punaise et son protégé. J'aurais dû m'en douter...
Bien sûr, elle t'a parlé de lui...Son amour perdu, une mauviette asthmatique... elle t'a dit qu'ils couchaient ensemble ? ....
Lunaire ferme les yeux, tentant de repousser la voix de Cardec quin résonne dans sa tête. Il ne peut pas continuer à la laisser parler à l'intérieur de lui...
Fous l' camp, dit-il à la voix, mobilisant son énergie mentale. Fous l' camp, salopard.
C'est pas gentil, ça, sussurre la voix. Et puis elle disparaît...
Pour conclure ?
Encore une situation où la limite entre le rêve et la réalité devient très floue, d'autant que les évênements vécus la nuit peuvent interférer avec le jour... comme dans les grands classiques de la Fantasy, "Le seigneur des anneaux", ou plus encore "La roue du temps"...
Vertige partagé par d'autres, "Vida es sueño" de Calderon, ou même Lacan, pas vraiment un fantaisiste, pour qui derrière la scène, les apparences, il n'y a rien...
Donc, pour faire court, un roman passionnant, horrible et merveilleux, pourtant poorteur d'espoir.
Comme chez Hennig Mankell, après la pression presque insupportable de l'intrigue vient un énorme soulagement, quasi euphorique.
Tant il est vrai que les problèmes non résolus, même ceux des ancêtres, peuvent nous empoissoner l'esprit indéfiniment, mais qu'est ce qui nous empêche de les prendre à bras le corps ?