Variations Goldberg /2
Variations Goldberg / JS Bach / Scoot Ross / Erato, 1985
Il y a la version de Glenn Gould, qui m'a fait découvrir les variations, et il y a celle de Scott Ross, que j'écoutais rarement, par habitude et faute d'un bon lecteur. Et bien d'autres encore.
Ecouter les variations sur l'instrument pour lequel elles ont été écrites, quoi de plus logique ?
Oui, mais... c'est pas si simple.
D''abord, faut-il absolument recourir à des instruments du XVIII ème siècle, difficiles à accorder, capricieux, avec une sonorité différente de celle à laquelle nos oreilles sont habituées, formatées?
On est absolument libre d'écouter Bach sur du piano, mais la ballade ne sera pas la même. Les clavecins, comme les orgues, sont des pièces uniques, artisanales et imparfaites.
Les pianos aussi, au départ, mais il y a eu la révolution industrielle juste après, et avec la mondialisation a disparu toute originalité. Si vous allez au concert, Jazz ou Classique, vous pouvez être sûr que le piano est un Steinway, à 99% (peut-être un Yamaha pour le 1% restant). Alors bien sûr, on sait ce qu'on trouver, le son est pur, un peu métallique mais pas trop, standard. Mais que sont devenus les Pleyel, les Gaveau, les Bösendorfer et les autres?
On voit que les instruments anciens "gagnent à être connus" mais demandent une approche plus ou moins longue pour les apprivoiser, surtout pour les interprètes... Encore une querelle entre les anciens et les modernes, mais la créativité n'est pas forcément là où on l'attendait...
Pas mal de pièces font preuve d'une grâce, d'une mélancolie et d'une pudeur incroyables, suggérant plutôt que montrant, une évocation d'une puissance insoupçonnable. Ailleurs il y a un rythme irrésistible: essayez de mettre sur votre platine un enregistrement du concerto pour 4 clavecins de Bach BWV 1065 (G. Leonardt par exemple) ou son modèle pour 4 violons de Vivaldi (il n'y avait pas de droits d'auteur et les copies étaient courantes) et vous m'en direz des nouvelles! ça décoiffe!
Ensuite, avec quel matériel écouter ? C'est vrai, cela demande un bon matériel, à la fois précis pour mettre en valeur l'instrument sans couper les harmoniques hautes, mais assez neutre, pas agressif sinon l'écoute sera vite fatigante.
Le disque.
Une fois remplies les conditions, quelle redécouverte! Une lecture limpide, aérée, scintillante. J'ai l'impression qu'il y a là des "choses" encore jamais entendues, des nuances, des rythmes, des ornementations sans cesse différentes.
C'est comme si l'image sonore était plus large, foisonnante, étincelante, mais en même temps elle s'impose avec une évidence, une autorité singulières.Et quelle aisance, quelle vitesse, c'est stupéfiant, mais comment fait-il?
Scott Ross, organiste et claveciniste américain est né le 1er mars 1951 à Pittsburg, Pennsylvanie. Il perd son père à 5 ans, débute le piano et l'orgue à 6 ans. Sa mère s'installe en France en 1964, près de Nice, où il fait la rencontre de Pierre Cochereau qui le suit et le convainc de s'inscrire au conservatoire de Nice dont il est directeur. C'est là qu'il choisit le clavecin, en second instrument. Il se révèle vite comme un bourreau de travail, étudiant par ailleurs de lui-même la musicologie et la facture d'instruments.
Décédé le 13 juin 89 à Assas, près de Montpellier. Surtout connu pour son intégrale "marathon" des 555 sonates de Scarlatti en 84-85. Il aurait même offert aux auditeurs de France Musique, le 1er avril 85, une 556ème sonate, de sa main, sans que personne ne découvre la supercherie. Il était connu aussi par sa présentation un peu "atypique", en jean, santiag et blouson de cuir, sans doute pour ne pas créer de distance avec le public.
il a également enregistré l'intégrale des pièces pour clavecin de Jean Philippe Rameau en 75, celle de François Couperin en 83, plus quelques pièces de Haendel et bien sûr de Bach. Outre les variations, j'ai pu me procurer la "Fantaisie chromatique et fugue" et le "Concerto Italien", où l'enregistrement est bien réalisé et où le clavecin a une sonorité chatoyante, douce: magnifique! Tout comme le CD gravé par la revue Diapason pour marquer les 20 ans de sa disparition, avec des pièces de Couperin, Scarlatti, Bach: somptueux!
Scott Ross est donc un interprète incontournable pour le baroque, un de ceux dont la facilité, la liberté de jeu, parfois même l'allure improvisée cache un travail considérable, une maîtrise et un dosage des effets minutieux, mathématiques.
Un interprète à découvrir d'urgence, trop tôt disparu après une carrière étincelante.